Régler sa montre et mesurer sa précision
Prêter attention à l’esthétisme d’une montre est important, mais on a souvent tendance à oublier que le but premier de cette dernière est d’indiquer l’heure. Si ce critère est laissé de côté par de nombreux acheteurs, la précision d’une montre surtout mécanique (incluant les automatiques) est un facteur de qualité important, voire primordial pour certains.
Des marques rivalisent d’ingéniosité et d’innovations techniques pour offrir une dérive temporelle (retard ou avance) de leurs produits quasi nulle.
Si l’on souhaite tirer le meilleur de sa montre, il est nécessaire de respecter quelques bonnes pratiques. Il peut s’avérer intéressant de connaître sa précision, mesurée en nombre de secondes par jour de retard ou d’avance.
La précision d'une montre
Avant d’évoquer le cœur du sujet, attardons-nous quelques instants sur des valeurs de référence afin de juger plus facilement des performances de notre montre.
La précision d’une montre est avant tout dépendante de sa technologie. Voici un tableau récapitulatif des valeurs usuelles allant du mouvement le moins précis au plus précis.
Type de mouvement |
Description |
Précision observée |
Mécanique très bas de gamme |
À remontage manuel ou automatique, basé sur une régulation mécanique |
-/+ 1 min de dérive par jour |
Mécanique premier prix |
À remontage manuel ou automatique, basé sur une régulation mécanique |
-25s à +45s de dérive par jour |
Mécanique standard/milieu de gamme |
À remontage manuel ou automatique, basé sur une régulation mécanique |
-15s à +25s de dérive par jour |
Mécanique de qualité |
À remontage manuel ou automatique, basé sur une régulation mécanique |
-10s à +15s par jour de dérive |
Mécanique certifiée COSC |
À remontage manuel ou automatique, basé sur une régulation mécanique |
-4s à +6s par jour de dérive |
Quartz à affichage analogique |
Basé sur la vibration d’un quartz (autour des 36 Khz) |
-10s à +30s par mois de dérive |
Quartz à affichage numérique |
Basé sur la vibration d’un quartz (autour des 36 Khz) |
-/+ 5s par mois de dérive |
Quartz haute stabilité |
Basé sur la vibration d’un quartz (autour des 36 Khz) |
-/+ 20s par an de dérive |
Quartz haute fréquence |
Basé sur la vibration d’un quartz (autour des 2 à 4 Mhz) |
-/+ 5s par an de dérive |
Quartz RadioPiloté |
Quartz assisté par synchro radio sur une horloge atomique |
Dérive jugée nulle |
Au vu de ces chiffres il est facile de prétendre que les montres exploitant la technologie Quartz et une source d’énergie électrique possèdent de base une excellente précision.
Les mouvements mécaniques sont quant à eux nettement plus complexes à mettre en œuvre si l’on souhaite obtenir une dérive négligeable. Ceci explique les tarifs parfois importants de certaines montres mécaniques.Nous allons donc nous concentrer sur ces dernières. Si la qualité d’un mouvement impacte directement sur sa précision, son bon usage et son bon réglage restent primordiaux.
- Remonter sa montre:
Dans le cas d’une montre mécanique classique, c’est au porteur de remonter le ressort capable de fournir l’énergie du mouvement. Il est donc important de la remonter à intervalles réguliers en respectant la réserve de marche indiquée par le fabricant. Mais même pour une montre automatique, il peut être nécessaire de procéder à un remontage manuel. Dans la majorité des cas, l’efficacité d’une montre est maximale lorsque sa réserve d’énergie l’est aussi. Au fur à mesure que le ressort se détend et que la réserve de marche s’épuise, les performances du mouvement diminuent progressivement. Il peut s’avérer utile de remonter sa montre même automatique, en particulier si les mouvements de votre vie quotidienne ne sont pas suffisants pour la charger complètement. C’est le cas, dans votre sommeil où la montre a tendance à s’essouffler en raison du repos de votre poignet. Voilà pourquoi certaines marques préconisent de remonter sa montre au réveil pour accélérer sa recharge et bénéficier des meilleures prestations possibles du mouvement. Par contre, inutile de chercher à remonter sa montre en permanence toute la journée. Les contraintes sont aussi plus fortes lorsque le ressort est remonté à son maximum et vous ne gagnerez rien à manipuler votre montre en permanence. L’important est d’éviter qu’elle ne perde trop en réserve de marche à et à maintenir un remontage journalier, si possible sur les mêmes créneaux horaires.
Le remontage manuel d’une montre standard se fait toujours de la même façon. Il faut manipuler la couronne sur sa position première (C’est-à-dire sa position par défaut, éventuellement il peut être nécessaire de la dévisser pour une montre de plongée). On tourne toujours vers le haut. On évoque souvent le nombre d’une trentaine de tours pour un remontage optimal. Toutes les montres actuelles bénéficient de toute façon d’une protection qui empêchera de casser le mécanisme en cas de tours trop nombreux. Vous sentirez vous-même la plupart du temps le déclenchement de cette protection en vous apercevant que vous tournez dans le vide. Attention, tout de même à certains vieux calibres qu’il convient de manipuler avec douceur. Vous sentirez la résistance du remontage se faire de plus en plus dure sur ces montres, et n’essayez jamais de forcer lorsque vous sentez qu’il devient difficile de tourner la couronne.
Régler l’heure
Il est nécessaire d’avoir à proximité de votre montre une source de temps fiable. Aujourd’hui ce n’est plus trop compliqué, votre ordinateur ou votre téléphone portable peuvent faire office d’une bonne référence.
Dans le cas de votre ordinateur, vérifiez que celui-ci est synchronisé sur un serveur de temps sur Internet. Ce paramètre varie d’un système d’exploitation à un autre (Windows,Mac OS, Linux) ; suivez ce lien pour un ordinateur sous Windows.
Pour un téléphone, préférez que sa date soit donnée par le réseau de votre opérateur (vérifiez les paramètres de votre mobile).
Dans un cas comme dans l’autre, vous aurez alors un appareil dont la précision est identique ou proche d’une montre RadioPilotée. C’est donc une très bonne base pour régler votre montre.
Ensuite, il vous faut tirer sur la couronne pour la mettre en position de réglage. On parle de la position 3, la position 2 étant réservée pour la date et la 1 étant la position normale.
Certains mouvements sont équipés d'un « stop seconde » qui arrête les secondes et permet donc de régler plus précisément le calibre. Si ce n’est pas le cas, il vous faudra ruser pour bien vous synchroniser avec votre source de référence.
Manipulez toujours délicatement le réglage des aiguilles et préférez toujours tourner votre couronne vers le haut en évitant les marches arrières. Dans beaucoup de cas, cela n’aura pas d’incidence, mais pour certains calibres, il est préférable de limiter les aller/retours.
Si vous disposez de la date, il vous faudra distinguer le matin de l’après-midi. Si au passage de l’aiguille des heures sur le 12, la date change alors vous venez de passer minuit, si la date ne change pas alors, vous avez passé midi.
Concernant cette fameuse date, en fonctionnement normal (hors réglage) elle peut apparaitre progressivement et prendre plus d’une heure pour s'afficher totalement. Si par contre vous avez une date rapide, elle est dite sautante, c'est-à-dire qu’elle apparaît automatiquement aux alentours de Minuit (entre 00 h 05 et 00 h 15 selon les modèles). Dans les deux cas, le processus mis en œuvre débute bien avant que vous vous en aperceviez. La mécanique se met en œuvre en tâche de fond et peut nécessiter, notamment pour la date rapide, une accumulation d’énergie dans un système dédié. Agir sur la montre alors que cette dernière se prépare à changer sa date peut s’avérer fatale. C’est la fameuse « zone de la mort » entre 21 h et 3 h du matin. Si dans de nombreux cas de figure, il ne se produira rien, il reste possible de casser une pièce si l’on intervient durant ce laps de temps. Préférez donc régler votre montre sur une autre plage horaire.
À noter que certains calibres, russes notamment, autorisent une manipulation spécifique pour changer la date sans être obligé de faire tourner les aiguilles jusqu'au chiffre souhaité. Il faut faire des allers-retours entre 12 h et 9 h. Attention, cette méthode n’est valable que pour les montres qui le supportent. Référencez-vous toujours au manuel de cette dernière. Si rien n’est précisé préférez une méthode plus classique.
Enfin, certaines montres sont également munies du jour de la semaine, on le règle toujours en position 3 mais en manipulant la couronne vers le bas. Cela n’enlève rien aux consignes écrites précédemment.
Mesurer la précision
Maintenant que votre montre est correctement réglée, il reste à voir si elle demeure précise.
Pour cela, plusieurs méthodes :
- Méthode « la débrouille »
Vous pouvez utiliser votre ordinateur, votre tablette, votre smartphone à condition que ces derniers soient synchronisés avec une source Internet comme j’ai pu l’expliquer précédemment. De là, manipulez votre montre et faites au mieux pour la synchroniser avec la référence que vous avez choisie. Revenez 24 h plus tard, et observez l’écart entre votre source et votre montre. Vous en déduirez sa précision. C’est une méthode simple et gratuite qui pourra vous donner déjà un premier aperçu sur la qualité de votre montre.
- Méthode « toolwatch.io »
Le site Internet «toolwatch.io » est un formidable outil gratuit et efficace pour obtenir la dérive de votre montre. Le principe est simple :
a) Vous vous connectez sur le site
b) Vous lancez un compte à rebours de quelques secondes au bout duquel vous indiquez l’heure de votre montre
c) Vous retournez sur le site 12 h après et vous répétez l’opération
Le site vous indique le retard ou l’avance accumulé par votre montre. Il dispose de sa propre source de temps qui lui permet de mesurer la dérive de votre montre. De plus, vous pouvez enregistrer toutes vos montres et retrouver l’ensemble de vos mesures via votre compte.
Enfin, à chaque première mesure, le site vous envoie un email dès que le temps passé est suffisant pour mesurer la précision de votre montre.
La seule difficulté consiste à noter précisément l’affichage de votre montre à la seconde près à chaque mesure. Hors la lisibilité de certaines montres ne permettent pas forcément de bien faire la différence entre les minutes. Par contre, la valeur obtenue reflète un usage réel de votre montre, c'est-à-dire porté et sensible à vos mouvements, ce qui peut permettre un réglage « sur-mesure » par la suite.
- Méthode « j’investis dans un appareil de mesure ».
Les horlogers disposent d’outils spécialisés appelés chronocomparateurs. Ils permettent de mesurer la dérive d’une montre ainsi que d'autres types de mesures de façon très précise et selon plusieurs positions. La plupart de ces appareils exploitent le son de votre montre, soit le tictac produit par le mécanisme embarqué. À l'aide d’un micro spécialisé et d’algorithmes dédiés, vous pouvez en quelques minutes obtenir beaucoup d’informations sur la santé de votre montre.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus, je vous invite à lire le PDF fourni par la société Witschi réputée sur le sujet. Les principes de mesures sont très bien expliqués.
L’inconvénient de ces appareils reste leur prix, souvent très élevés et pouvant dépasser les 10 000€ pour les plus complets.
Il reste cependant possible de trouver des modèles accessibles, notamment avec des références chinoises comme le « Timegrapher N.1000 » négocié sous la barre des 200€ et qui semble offrir des prestations correctes par rapport à son prix.
Pour ceux qui souhaiteront économiser davantage, il reste la méthode faite maison où vous exploitez un logiciel d’édition sonore comme « Audacity » et un micro de qualité, connecté à votre PC. Avec un peu d’huile de coude et en mesurant les écarts entre les PIC audio visualisés dans le logiciel, on peut arriver à un résultat plus ou moins bon. Mais cette méthode n’est pas forcément dès plus recommandée. Les cartes son standard des PC et les micros qu’on trouve dans le commerce ne sont pas suffisamment précis pour fiabiliser les mesures.
On trouve également des applications sur smartphone, comme Kello qui se propose d’utiliser votre téléphone comme outil de mesure. Encore une fois, si le logiciel a le bon gout d’être gratuit, son efficacité est toute relative en raison des limitations imposées par le matériel de votre mobile.
Personnellement, je me suis tourné vers un compromis nommé Lepsi Watch Scope. Ce petit appareil dispose d’un micro haute fréquence et d’un circuit électronique spécialisé. Il se raccorde à votre smartphone (Android ou iPhone) qui se contente alors d’offrir une interface pour visualiser les résultats. L’ensemble est compact, pratique et très simple à utiliser.
Compter tous de même 380€ (attention au prix hors taxe affiché sur le site officiel). Le Watch Scope garantit une précision d’une seconde, ce qui peut sembler beaucoup pour certains, mais suffisant pour le commun des mortels. Vous pouvez, en plus depuis l’application, enregistrer vos résultats en ligne pour composer votre collection.
La mesure est rapide. La compacité de l’appareil vous permet de l’emporter avec vous et de mesurer la précision de votre montre selon différentes positions.
Compenser la dérive
Maintenant que vous avez les informations nécessaires pour manipuler votre montre et en connaître sa précision, et surtout si vous avez eu la patience de me lire jusque-là, il reste à découvrir comment optimiser les résultats et rendre votre montre plus efficace.
Il est important de noter que malgré les valeurs théoriques, il est possible d’augmenter la précision de votre montre et de réduire sa dérive, même pour des modèles d’entrée de gamme. N’oubliez pas qu’un calibre de montre n’est ni plus ni moins la même chose qu’un moteur de voiture. Les technologies et les sources d’énergie en œuvre ne sont pas les mêmes, mais l’un comme l’autre peuvent se régler, doivent s’entretenir et sont soumis à des contraintes mécaniques importantes.
La première solution à votre disposition est de déposer votre montre chez un horloger digne de ce nom. Il reste le meilleur interlocuteur pour vous renseigner et retravailler votre montre pour l’aider à se rapprocher des meilleures références (mais attention, tout à ses limites). Certains professionnels sont capables de vraies prouesses et il s’est déjà vu des calibres « jugés » banals offrir d'excellentes performances une fois bien réglées.
Malheureusement, les bons horlogers se spécialisent le plus souvent dans le très haut de gamme, et beaucoup refusent de travailler sur des marques plus exotiques ou plus accessibles, le plus souvent pour de fausses excuses. Les grands principes de fonctionnement restent les mêmes sur toutes les montres et toutes peuvent se manipuler.
Il vous reste donc la possibilité de vous mettre vous-même au travail. L’investissement de départ n’est pas forcément important. Achetez-vous une loupe, quelques tournevis de précisions et un ouvre boitier. Tout cela peut se trouver pour quelques euros sur le web (éviter tous de même les kits premiers prix parfois trop fragiles).
La première chose à faire est d’ouvrir le fond de votre montre. Je me contenterai ici de décrire les manipulations sur une montre mécanique. Mais sachez que s’il y a moins à faire sur une quartz, le changement de pile ou de joint d’étanchéité peut être réalisé par vos soins.
Concernant les calibres mécaniques, avant de m’attirer les foudres des grands amateurs, je n’évoquerai que des techniques très basiques et fonctionnant sur des calibres « classiques » et courans. Il est important de noter que certaines références peuvent proposer des fonctionnalités spécifiques et qui ne reposent pas forcément sur les mêmes organes de réglages que ceux présentés plus bas.
Encore une fois, dans le doute ou dans le cas d’une montre très haut de gamme, ne cherchez pas les ennuis et préférez faire appel à des professionnels. Pour les autres, il peut s’avérer utile et économique de prendre le temps de réaliser quelques opérations basiques.
La plupart des mouvements mécaniques disposent d'une pièce appelée la raquette. C’est un organe accessible et prévu pour parfaire un réglage de la montre. Il s’agit de pouvoir simplement agir sur l’avance ou le retard d’une montre dans une plage assez fine. Comprenez par là, qu’agir sur la raquette a peu de chances de corriger une dérive importante, mais pourra permettre de gagner quelques secondes de précisions.
La raquette influe sur la taille du spiral. Pour cela, une raquette est toujours composée d’un piton mobile qui permet de régler le point mort, chose qui reste assez complexe sans expérience et sans appareil de mesure fiable. Il reste préférable d’agir sur la seconde partie de la raquette.
En éloignant la pièce mobile du le piton mobile (on pousse vers le haut), la taille du spiral diminue, oscillera plus vite et donc prendra de l’avance. Au contraire, si l’on rapproche la pièce du piton, on ralentit le spiral en le rallongeant et la montre prendra du retard. L’idée est donc, en fonction de vos mesures, de manipuler la raquette dans un sens ou dans l’autre pour compenser la dérive observée. Il est essentiel de procéder très finement, en manipulant délicatement la raquette et en jouant mm, par mm. À chaque opération, remesurer la précision obtenue jusqu’à obtenir le meilleur résultat.
Certains estiment que la manipulation de la raquette tient plus du gadget que du réel intérêt, mais personnellement j’ai pu obtenir des résultats satisfaisants ramenant par exemple ma LIP de + de 20s par jour à moins de +15 s. On trouve des témoignages sur Internet où l’action sur la raquette a donné de beau résultat.
Pour aller plus loin, on peut poursuivre sur le réglage du point mort et de l’amplitude du balancier. Mais pour ces éléments, un vrai chronocomparateur est indispensable.
Pour conclure
Il est important de noter qu’un simple respect du manuel de votre montre et sa bonne manipulation est déjà un bon départ pour tirer le meilleur du mécanisme. Dans un second temps, un investissement raisonnable peut vous permettre en étant quelque peu patient d’améliorer le paramétrage de votre calibre. Soyez patient et ne vous lancez pas trop vite dans des opérations de grande envergure. Si vraiment vous souhaitez parfaire vos connaissances, entrainez vous sur des modèles simples et robustes. Pour le reste et si vous ne voulez pas prendre trop de risques, un bon horloger sera toujours très efficace pour régler au mieux votre montre et lui donner une précision que vous ne soupçonniez pas.