Histoire de la marque horlogère Sea-Gull
Origine de la marque Sea-Gull
On a souvent tendance à associer les montres chinoises au monde de la copie, de la reproduction voir de la contrefaçon. Il est vrai qu’on trouve dans le commerce de nombreux modèles de garde-temps ressemblant aux grands classiques de l’horlogerie Suisse, arborant des noms aux consonances Européennes ou Américaines. Ces produits, à la finition toute relative, arrivent le plus souvent de l’empire du milieu, ou une seule et même usine produit des milliers de montres sous une identité marketing différente.
Mais résumer l’horlogerie chinoise à ces simples fabrications grossières serait une erreur. Il existe en effet un savoir-faire horloger chinois et des manufactures capables de réaliser des productions de qualité et offrant un large panel de complications horlogères.
« La fabrique de montre de Tianjin » connue dans nos contrés sous la marque « Sea-Gull » en ai un parfait exemple.
C’est en 1955 que quatre ouvriers chinois décident de fabriquer la première montre conçue et assemblée en chine. En effet, à cette époque le marché Chinois était plus connu pour réparer ou assembler des montres de productions étrangères plutôt que pour la conception de montres mécaniques à part entière.
Jiang Zhengying, Sun Wenjin, Wang, cimin, and Zhang Shuwen accompagnés d’un budget de 100 yuans (soit environ 10€ au cours actuelle…) gracieusement fourni par le bureau de l’industrie légère de la province de Tianjin, se lancent donc dans l’élaboration d’un calibre mécanique.
La premiere Sea-Gull
Le 25 mars 1955 est fini d’assembler la première montre « 100% made in china ». Ses concepteurs la nomment « WuXing » ; ce terme désigne les Cinq Phases de la cosmologie chinoise, le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau. Bien entendu, nos 4 apprentis horlogers chinois ne sont pas partie de rien et se sont inspirés du calibre suisse « Sindaco » à 5 rubis. Mais, ils ont eu le mérite de faire leur mouvement avec très peu de moyen, dans une simple pièce leur servant d’Atelier en produisant chaque rouage eux même et en intégrant leurs propres modifications. A partir de cette date, quelques montres, entièrement assemblées et conçues à la main sortiront de cette manufacture improvisée.
Afin de permettre un développement industriel autour de la réussite de la « WuXing », une usine est créée. A la fin des années 1956, la chine investi 9 million de Yuan dans ce qui peut être considéré comme la première manufacture de montre Chinoise. La fabrique permet dès octobre 1958 la production en série d’une montre à 17 rubis baptisé « Wu Yi ».
Les quelques rares reliques de ce modèles valent aujourd’hui une petite fortune. Basée sur un design de calibres russes, la nouvelle montre chinoise est de qualité pour l’époque et démontre un savoir-faire grandissant de l’industrie horlogère naissante en chine. Pour la petite histoire, le nom de la montre est lié au "Wu Yi Labor Day » : le jour des travailleurs. Cette date est en référence au 1er mai 1886 ou 216 000 ouvriers de Chicago se sont lancés dans une grève qu’ils finirent par gagner au prix de combats sanglants (et oui à cette époque on se contentait par défiler avec des banderoles…). Suite à cela une conférence des représentant du parti socialiste dont la chine faisait partie, ont décidé de commémorer ce jour. Mais revenons à « Sea-Gull »
En 1962, le site de production est déplacé et prend officiellement le nom de « Fabrique de montre de Tianjin ». La « Wu Yi » continuera d’y être produite jusqu’en 1971.
En 1963, un projet initié en 1961 et mandaté par le gouvernement chinois, permet d’établir les bases d’un chronographe calcé sur les ébauches du mouvement Suisse Venus 175. Ce n’est qu’en octobre 1965, qu’après une batterie de tests le calibre baptisé alors ST3 est choisi pour la construction de montres à destination des aviateurs de l’armée chinoise. 1400 exemplaires seront produits en octobre 1966.
De 1969 à 1971 la firme continue ses recherches afin d’améliorer ses calibres dérivés de son modèle « Wu-Yi ». La montre « Dong Feng » qui en découle deviendra vite une référence dans son pays avec son mouvement ST5. Elle deviendra même l’un des objets indispensable à posséder lorsque l’on se mariait.
Une ouverture sur le monde
A cette époque, elle est vendue surtout sur le sol chinois, mais cela va changer en 1973, en pleine révolution culturelle. Dès lors le nom « Dong Feng » signifiant « Vent d’Est » est remplacé par « Sea-Gull ». En effet, l’appellation originale ne se prêtait que peu à l’exportation en raison du caractère anti-occidentale que certains pouvait retrouver à l’époque dans la dénomination de la montre. Ceci à cause de la phrase non dénuée de sens politique prononcé par Mao « Le vent d’Est souffle toujours plus fort et plus longtemps que le vent d’Ouest….. ». Le terme « Seagull » désignant une mouette de grande envergure capable de voler sur de très grandes distances a été jugé plus adapté à une exportation à l’étranger.
En 1974, la Fabrique de montre de Tianjin devenu « Sea-Gull » propose à ses nouveaux clients potentiels la première montre de son catalogue destinée aux femmes avec un nouveau calibre : le ST6. Le succès remporté par ce modèle permet à l’entreprise de positionner 3eme au rang mondial des fabricants de montre derrière le suisse et le japon.
A la fin des années 1970, « Sea-Gull » propose son calibre ST7, une vrai réussite technique pour l’époque mais qui n’a pas trouvé son marché. En plein dans la phase de « Détente » de la guerre froide la « Chine Rouge » est boudée dans une grande partie du monde. En 1977-78, le pays ne peut plus compter sur son partenaire soviet pour écouler ses produits.
Le début des années 80 correspond à un déclin du marché de la montre mécanique au profit du Quartz. Malgré l’ouverture commercial que connaitra la chine dans ses années, les calibres « Sea-Gull » sont peut compétitifs et peinent à se faire un place dans un nouveau marché envahit par les montres multifonctions. Pour tenter de revenir dans la course, la manufacture tente l’aventure du Quartz en développant le mouvement ST9 et ST11 et connurent un certain succès. Pourtant, la marque décide de revenir sur le marché de la montre mécanique, jugé alors encore compétitif dans certaines régions du globe, en raison de son coup de revient inferieur. Apparait alors le calibre ST6D, un ST6 plus « masculin » avec date et module de remontage automatique. Du coup, « Sea-Gull » propose une montre de bonne qualité pour un coût très bas.
En 1988, la marque flaire le bon filon en partant du principe qu’il existe désormais un marché de taille pour les montres mécaniques bon marché. L’emboitage de ses calibres fait par d’autres permet à la manufacture d’augmenter sa production. Mais c’est aussi la mode des contrefaçons ou le calibre ST6D va se retrouver dans de nombreuses « Rolex-Like » et autres « Omega » étrangement très compétitives en tarif…..
En 1990, la Fabrique de montre de Tianjin devient entreprise national et décide brutalement en 1992 de stopper toutes productions de montres mécaniques pour se consacrer uniquement aux Quartz. Décision étrange qui connaitra un volte-face, cinq ans plus tard ou le Quartz est délaissé par la manufacture pour revenir exclusivement aux calibres mécaniques.
En 1997, « Sea-Gull » associe le très populaire calibre Miyota 8200 au système de remontage automatique de Seiko pour créer le mouvement ST16. On peut dire que la manufacture a su s’inspirer de la concurrence… Mais cette dernière ne se laisse pas freiner par les mauvaises langues et améliore encore son produit en proposant le ST17, un ST16 avec « options» (grosse dates, réserve de charge….)
L’entreprise se développe dans les années 2000 en s’étendant à d’autres contrés chinoises avec l’ouverture à Hong Kong d’un département dédié à l’exportation. Grace au succès des calibres ST16 et ST17, en plus de la demande toujours massives du ST6D, « Sea-Gull » détient en 2005 près de 25% de la production mondiale de mouvement mécaniques.
La fabrique en profite pour créer son premier tourbillon le ST80 qui connaitra en 2006 une extension en double Tourbillon sous le dénominatif ST82. Des lors, « Sea-Gull » poursuit sa volonté d’être considéré comme une manufacture de haute horlogerie en proposant répétition minute, calendriers perpétuelles….
En 2008, la marque s’implante en Europe en instaurant un réseau de distribution et en promouvant ses produits à travers différents salons. Cette incursion sur le territoire de chasse Suisse n’a d’ailleurs pas été sans bruits. Le « BaselWord 2008 » ou « Sea-Gull » était venu exposer fièrement son double tourbillon a vu deux membres d’une grande marques suisses (le nom n’est pas cité…) crier au scandale devant le stand de la manufacture chinoise. Celle-ci était accusée de copie et de vol de brevet. Il faut dire que le passé de la marque n’avait pas toujours joué en sa faveur sur ce point. Mais « Sea-Gull » ne s’est pas laissé impressionner et s’est empressée de faire appel à un arbitrage extérieur, à savoir un horloger de 70 ans formé chez IWC. L’homme d’expérience s’est vu remettre par la marque tous les plans et informations sur le calibre accusé. Après analyse le verdict tomba : « Il n’y a absolument aucune similarité entre le mouvement chinois et celui de l’accusateur suisse ».
La marque Sea-Gull aujourd'hui
Aujourd’hui la Fabrique de montre de Tianjin, située à 30 minutes de train de Beijing, dans l’une des plus vieilles régions industrielle de chine n’a plus grand-chose à voir avec la minuscule pièce ou quatre ouvriers tentaient de construire la première montre chinoise.
Alors oui, l’histoire de la marque montre au combien de fois elle s’est inspirée (voir parfois plus..) des calibres suisses puis Japonais pour produire ses propres produits. Mais à chaque fois elle a su améliorer les concepts empruntés en réduisant les coûts permettant ainsi une démocratisation de la montre mécanique. Elle a également su faire preuve de création et de savoir-faire horloger pour proposer aujourd’hui des complications que certaines marques suisses ne peuvent se vanter d’avoir à leur catalogue. Le plus gros défaut de la marque reste sans doute pour moi sa vente massive de calibres à d’autres entreprises qui favorisent les contrefaçons et assombrissent l’image de « Sea-Gull ». Mais la société n’est pas capable aujourd’hui de vivre sans cette importante manne financière, les montres de manufacture ne représentant au final que très peu de sa production. Il reste à espérer qu’elle continu à produire des calibres toujours plus complexes avec toujours une recherche d’amélioration de la qualité dans ses produits. Si de l’aveu même des ingénieurs de la marque un tourbillon « Sea-Gull » n’est pas aussi bien fini et esthétique qu’un tourbillon « Breguet », il n’en demeure pas moins une complexité exigeante et surtout accessible (moins de 5000€ (compter 30 000€ pour les premiers prix suisse….)).
Preuve de son succès, « Sea-Gull » est désormais victime de contrefaçons….chinoises :)
Au final, cette marque est une véritable manufacture, dynamique et de plus en plus innovante. Personnellement, je lui reproche ses designs encore trop copiés des standards Suisse mais j’espère qu’un l’instar de son modèle « 1963 » (la revue disponible ici), « Sea-Gull » proposera des montres authentiques et inspirées de son pays et de son histoire dont elle n’a pas à rougir :)
Pour la rédaction de cet article je me suis grandement inspiré (c’est mon côté chinois) des excellentes pages suivantes:
- L’article Wikipedia Anglais sur la marque (complet et apparemment juste)
http://www.tractionink.com/watch_wiki/index.php?title=Tianjin_Seagull
- Une interview de responsables de la marque par le magasine Europa Star
http://www.europastar.com/magazine/highlights/1004082674-tianjin-sea-gull-watch.html
- Un site superbement bien renseigné sur l’histoire des marques chinoises
http://www.chinesewristwatch.com/history.html
- Un topic du site watchuseek.com réalisé par joelchan et remplis de photo
http://forums.watchuseek.com/f72/my-100th-post-%96-brief-history-seagull-watch-96865.html
Sans oubliez les multiples forums et topics disperser dans la toile.